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Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 5.djvu/225

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fluer sur son existence, et l’abréger plus tôt que n’eût fait la nature s’il avait été détenu ailleurs, sous une température moins humide, moins exposée au froid rigoureux qu’il ressentit sur le Jura.

Une lettre du chef de bataillon Gazagnaire, du 69e régiment en garnison au fort de Joux, en date du 5 décembre, faisait savoir au ministre de la marine : « que T. Louverture était toujours inquiet sur son sort ; qu’il se plaignait, comme à l’ordinaire, de maux de tête et de douleurs aux jambes ; qu’il se médicamentait lui-même, etc. »

Ce rapport aurait dû éclairer le gouvernement français, et le porter à ordonner sa translation dans un autre lieu, dans le midi de la France, par exemple. On avait eu ces égards pour Rigaud, en le transférant avec sa famille, de Poitiers à Montpellier : on pouvait, on devait agir de même envers Toussaint Louverture ; et en le laissant sur le Jura, c’est qu’on voulait que sa détention fût plus horrible, sinon qu’il y mourût[1], — de même qu’en assignant, à Sainte-Hélène, le lieu le moins sain de cette île pour être habité par l’homme qui avait fait trembler l’Europe, on voulait aussi que son existence fût abrégée[2]

  1. Nous avons sous les yeux une brochure publiée à Paris, en 1810, par des colons de Saint-Domingue, intitulée Cri des colons, en réfutation de l’ouvrage de H. Grégoire sur la Littérature des Nègres. Voici ce qu’ils disent de T. Louverture :

    « Nous nous croyons en droit de prononcer et de dire, que si les Français lui eussent rendu la justice qu’il méritait, il devait être enchaîné vivant à un poteau, exposé dans une voierie, pour que les corbeaux et les vautours, chargés de la vengeance des colons, vinssent dévorer chaque jour, non pas le cœur, car il n’en eut jamais, mais le foie renaissant de ce nouveau Prométhée, » Page 243.

    O colons de Saint-Domingue !…

  2. « Tantôt il lait un vent furieux mêlé de brouillard (à Longwood) qui m’enfle le visage lorsque je sors, tantôt un soleil qui me brûle le cerveau