Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 5.djvu/293

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Avisé des paroles prononcées par Clervaux, le capitaine-général donna l’ordre de faire entrer au Cap tout le corps de la 6e coloniale, fort de 1200 hommes, qu’il avait commandé comme colonel, et sur lequel il exerçait de l’influence. Il y fit entrer aussi le chef de bataillon Jacques Clervaux, frère du général, qui était employé au Haut-du-Cap. C’était annoncer des dispositions hostiles contre le général Clervaux lui-même. Revenu au Haut-du-Cap, où étaient sa famille et tous ses effets, Clervaux ne semblait pas apercevoir le dessein formé évidemment contre lui. Mais Pétion veillait pour lui et pour eux tous.

« Malgré la véhémence du propos du général Clervaux, dit P. de Lacroix, il paraît avéré qu’il hésitait, et que sa désertion ne fut entraînée que par les menées du chef de brigade Pétion. Ce chef, froidement audacieux, ordonna, dans la nuit du 26 au 27 fructidor (il faut lire plutôt 21 au 22 vendémiaire)[1], aux troupes coloniales (10e et 13e), de chavirer et d’enclouer l’artillerie du Haut-du-Cap ; de désarmer et de renvoyer en ville les canonniers européens. Après avoir tout mis en en marche, il se rendit auprès du général Clervaux, et lui annonça que les troupes coloniales étaient en défection, qu’on en avait l’avis au Cap, et que pour ne pas s’exposer à payer de leur tête cette défection, il ne leur restait rien de mieux à faire que de la partager… Cette défection spontanée affecta d’autant plus le général Leclerc, qu’il apprit qu’elle était l’œuvre de Pétion ; il le connaissait homme à ne pas s’être jeté dans le parti des insurgens en étourdi ou en désespéré.  »

  1. P. de Lacroix s’est trompé en fixant cette défection dans la nuit du 13 au 14 septembre : elle eut lieu du 13 au 14 octobre. Nous avons lu des documens officiels à ce sujet.