Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 5.djvu/294

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Ce jugement porté par Leclerc sur Pétion était fondé ; ses propres observations sur ce caractère froid qui pesait tout avec une haute intelligence, qui était aussi résolu qu’impassible ; la connaissance qu’il avait sans doute de tous ses antécédens révolutionnaires ; celle qu’il avait acquise de sa conduite depuis l’arrivée de l’expédition, par les rapports obligés des officiers généraux sous lesquels il servait, notamment Boudet et Pamphile de Lacroix : tout concourait à lui démontrer que la défection de Pétion ne pouvait être que le résultat d’un accord entre lui et les autres chefs de l’armée coloniale qui se trouvaient dans le Nord. Cependant, comme nous l’avons dit, ce n’est qu’entre Pétion et Dessalines qu’il y eut concert préalable pour la prise d’armes qui devait décider des destinées de Saint-Domingue. Pétion était assez fixé sur les intentions du gouvernement consulaire à l’égard de la race noire tout entière, depuis qu’à Paris il avait pénétré, que l’envoi de Rigaud et des autres officiers dans l’armée expéditionnaire n’avait d’autre but que d’en faire un drapeau de défection contre T. Louverture ; les paroles qu’il adressait à ses camarades dans la traversée, sans s’ouvrir complètement à eux ; celles qu’il prononça à la vue de l’incendie du Cap ; celles qu’il prononça encore après avoir lu l’acte de Leclerc relatif à la déportation de Rigaud, prouvent évidemment les idées qu’il mûrissait dans son esprit.

Rigaud ayant été déporté, Pétion se voyait désormais le chef de l’ancien parti politique qu’il avait dirigé ; car il savait que nul autre que lui ne pouvait prétendre à ce rôle. Mais, en ce moment, T. Louverture n’était pas encore soumis, quoique la prise de la Crête-à-Pierrot faisait prévoir sa prochaine soumission. Cet événement étant con-