Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 5.djvu/45

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cy. Il est porteur de la présente, et il vous dira de ma part ce que je lui ai chargé.

Les blancs de France et de la colonie, réunis ensemble, veulent ôter la liberté. Il est arrivé beaucoup de vaisseaux et de troupes qui se sont emparés du Cap, du Port-Républicain et du Fort-Liberté.

Le Cap, après une vigoureuse résistance, a succombé ; mais les ennemis n’ont trouvé qu’une ville et une plaine de cendres : les forts ont sauté, et tout a été incendié.

La ville du Port-Républicain leur a été livrée par le traître général de brigade Agé, ainsi que le fort Bizotons, qui s’est rendu sans coup férir, par la lâcheté et la trahison du chef de bataillon Bardet, ancien officier du Sud. Le général de division Dessalines maintient dans ce moment un cordon à la Croix-des-Bouquets, et toutes nos autres places sont sur la défensive.

Comme la place de Jérémie est très-forte par les avantages de la nature, vous vous y maintiendrez et la défendrez avec le courage que je vous connais. Méfiez-vous des blancs ; ils vous trahiront, s’ils le peuvent ; leur désir bien manifestée est le retour à l’esclavage.

En conséquence, je vous donne carte blanche ; tout ce que vous ferez sera bien fait. Levez en masse les cultivateurs[1], et pénétrez les bien de cette vérité : — qu’il faut se méfier des gens adroits qui pourraient avoir reçu secrètement des proclamations de ces blancs de France, et qui les feraient circuler sourdement pour séduire les amis de la liberté.

Je donne l’ordre au général de brigade Laplume de brûler la ville des Cayes, les autres villes et toutes les plaines, dans le cas qu’il ne pourrait résister à la force de l’ennemi ; et alors toutes les troupesdes différentes garnisons, et tous les cultivateurs iraient vous grossir à Jérémie. Vous vous entendrez parfaitement avec le général Laplume

    lettre qui lui fut adressée ; mais il l’envoya à Leclerc, d’après un rapport de celui-ci au ministre de la marine, en date du 9 mars.

  1. Les cultivateurs de la Grande-Anse étaient ceux du pays qui pouvaient le moins défendre avec vigueur leur liberté ; car, depuis 1791, ils avaient ététenus sous le joug des colons, aidés de Jean Kina. Sous les Anglais, ce noir avait encore aidé à leur soumission. Ils n’avaient joui de leurs droits que pendant le commandement du Sud par Rigaud ; et en passant sous le joug de T. Louverture, si oppressif après la guerre civile, ils avaient repris leur ancienne condition.