Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 5.djvu/457

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

annonçant que les membres du conseil de notables s’étaient entendus pour réunir entre eux les 33 mille francs. Par ordre de Rochambeau, Néraud donna une seconde sentence de mort ainsi conçue : « Si, dans une heure, les six mille gourdes (ou 33 mille francs) ne sont pas versées au trésor, le citoyen Fédon sera fusillé, conformément aux ordres du général en chef. »

Dans l’intervalle, les notables étaient allés auprès de celui-ci ; il eut l’air de consentir à ce qu’ils s’occupassent de réunir la somme, et donna l’ordre écrit par Néraud à un sergent de sa garde qui les suivit à l’hôtel de ville, comme pour leur donner l’assurance qu’on surseoirait à l’exécution. Mais, pendant que chacun apportait avec empressement sa part de contribution volontaire pour sauver le malheureux Fédon, Rochambeau, que nous avons déjà surnommé le cruel par rapport aux noirs et aux mulâtres, fit enlever son compatriote innocent de la prison, par Collet ; et on le fusilla tout près de la maison habitée par ce capitaine-général et général en chef. Il semble qu’il avait voulu jouir de la détonation des fusils, qui lui garantissait la mort d’un jeune homme de 29 ans qu’il avait pris en haine ! Le barbare !

Après un tel fait, accompagné de telles circonstances, peut-on oser nous imputer d’avoir été injuste, dans les accusations que nous avons portées contre Rochambeau ?…

L’assassinat de Fédon occasionna une grande consternation parmi les habitans du Cap, sans distinction de couleur ; car cet infortuné était estimé pour sa probité. Son assassin, qui n’en voulait réellement qu’à lui, fit alors relaxer Wantron[1].

  1. Nous avons puisé tous les faits relatifs à Fédon, dans une brochure pu-