Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 5.djvu/51

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

M. Coisnon lui remit alors cette lettre qui était renfermée dans une boîte en vermeil ; le sceau de la République française y était attaché par un cordon de soie. Cet appât était sans doute calculé pour faire impression sur l’esprit et le cœur de T. Louverture, en lui prouvant que le Premier Consul le traitait avec une haute considération.

« T. Louverture prit cette lettre et la parcourut rapidement,  » suivant les mémoires de son fils. Et d’après son propre mémoire : « Le précepteur me remit effectivement une lettre que j’ouvris et lus jusqu’à moitié ; puis, je la refermai, en disant que je me réservais de la lire dans un moment où je serais plus tranquille. »

Voilà la vérité sur ce fait, démentant la relation de P. de Lacroix, qui prétend que T. Louverture lut et relut cette lettre plusieurs fois, comme si elle était de nature à absorber un esprit de sa trempe. Il faut la produire ici.

Au citoyen Toussaint Louverture, général en chef de l’armée de Saint-Domingue[1].

Citoyen général,

La paix avec l’Angleterre et toutes les puissances de l’Europe, qui vient d’asseoir la République au premier degré de puissance et de grandeur, met à même le gouvernement de s’occuper de la colonie de Saint-Domingue. Nous y envoyons le citoyen général Leclerc, notre beau frère, en qualité de capitaine-général, comme premier magistrat de la Colonie. Il est accompagné de forces convenables pour faire respecter la souveraineté du peuple français. C’est dans ces circonstances que nous nous plaisons à espérer que vous allez nous prouver, et à la France entière, la sincérité des sentimens que vous avez constamment exprimés dans les différentes lettres que vous nous avez écrites.

  1. Nous affirmons de nouveau avoir vu un arrêté du Premier Consul, du 17 pluviôse an 9 (6 février 1801), qui conférait à T. Louverture le titre de capitaine-général. Il paraît qu’il ne lui fut pas envoyé, probablement parce qu’on aura appris, en France, la détention de Roume au Dondon, et la prise de possession de l’Est. Quant au titre de gouverneur général qu’il prit lui-même, il est tout naturel qu’il ne dût pas être ainsi qualifié par le Premier Consul.