Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 5.djvu/52

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Nous avons conçu pour vous de l’estime, et nous nous plaisons à reconnaître et à proclamer les grands services que vous avez rendus au peuple français ; si son pavillon flotte sur Saint-Domingue, c’est à vous et aux braves noirs qu’il le doit.

Appelé par vos talens et la force des circonstances au premier commandement, vous avez détruit la guerre civile, mis un frein à la persécution de quelques hommes féroces, remis en honneur la religion et le culte de Dieu de qui tout émane.

La constitution que vous avez faite, en renfermant beaucoup de bonnes choses, en contient qui sont contraires à la dignité et à la souveraineté du peuple français, dont Saint-Domingue ne forme qu’une portion.

Les circonstances où vous vous êtes trouvé, environné de tous côtés d’ennemis, sans que la métropole puisse ni vous secourir, ni vous alimenter, oui rendu légitimes les articles de cette constitution qui pourraient ne pas l’être ; mais aujourd’hui que les circonstances ont si heureusement changé, vous serez le premier à rendre hommage à la souveraineté de la nation qui vous compte au nombre de ses plus illustres citoyens par les services que vous lui avez rendus, et par les talens et la force de caractère dont la nature vous a doué. Une conduite contraire serait inconciliable avec l’idée que nous avons conçue de vous. Elle vous ferait perdre vos droits nombreux à la reconnaissance de la République, et creuserait sous vus pas un précipice qui, en vous engloutissant, pourrait contribuer au malheur de ces braves noirs dont nous aimons le courage, et dont nous nous verrions avec peine obligé de punir la rébellion.

Nous avons fait connaître à vos enfans et à leur précepteur les sentimens qui nous animaient, et nous vous les renvoyons.

Assistez de vos conseils, de votre influence et de vos talens le capitaine-général. Que pouvez-vous désirer ? La liberté des noirs ? Vous savez que dans tous les pays où nous avons été, nous l’avons donnée aux peuples qui ne l’avaient pas[1]. De la considération, des honneurs, de la fortune ? Ce n’est pas après les services que vous avez rendus, que vous pouvez rendre encore dans cette circonstance, avec les sentimens particuliers que nous avons pour vous, que vous devez

  1. Alors, comment expliquer l’assurance donnée ensuite, en 1803, au bon amiral Truguet, qu’il eût été pendu à un mât, s’il fût allé en Égypte prêchez la liberté des Noirs ou des Arabes ? (Voyez tome 4, page 464).