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qui eut lieu le 5 février, dans la matinée, vers le Lamentin.

À la vue de ce débarquement, le fort National tira trois coups de canon d’alarme, comme on en avait menacé le général français ; mais on ne tua aucun des blancs qui étaient détenus aux casernes.

Le général Boudet marcha sur le fort Bizutons, à la tête de ses troupes. À son approche, Bardet envoya au-devant de lui le capitaine noir Séraphin, ancien officier de la légion de l’Ouest, sous le prétexte de connaître ses intentions. Accueilli avec fermeté et modération en même temps par le général Boudet, Séraphin rentra au fort et rapporta ses paroles, tandis les Français avançaient aux cris de : Vive la République ! Vive la Liberté ! Préparés tous à la défection, officiers et soldats de la 13 me y répondirent par ceux de : Vive la France ! Vivent nos frères !

Les hommes du département du Sud avaient trop souffert de la tyrannie de T. Louverture, pour ne pas saisir cette occasion de s’en venger, en se soumettant aux Français[1].

Plaçant les militaires de la 13e dans les rangs de ses troupes, le général Boudet marcha sur le Port-au-Prince. Il envoya sommer le blockhaus de se rendre à lui, on s’y refusa ; il fit également sommer le fort Léogane de le recevoir en ami, et reçut la même réponse. Alors la colonne fran-

  1. À propos de cette défection, on lit le singulier passage suivant dans les Mémoires de Boisrond Tonnerre, pour servir à l’histoire d’Haïti :

    « La presque totalité de la population (du Sud) avait ou croyait avoir la mort de quelques proches à venger ; elle mettait sur le compte de T. Louverture tous les malheurs arrivés pendant le cours de la guerre que l’ambition d’un chef (Rigaud) et la politique raffinée des blancs avaient suscités dans le Sud. »

    Dessalines ayant été l’exécuteur des ordres atroces de T. Louverture dans le Sud, son secrétaire ne pouvait dire la vérité sur ces faits. Au reste, dans ses Mémoires, Boisrond Tonnerre se montre plutôt l’ami que l’ennemi de Rigaud.