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Au quartier-général du Cap, le 28 pluviôse an X (17 février).
Habitans de Saint-Domingue,

Je suis venu ici, au nom du gouvernement français, vous apporter la paix et le bonheur. Je craignais de rencontrer des obstacles dans les vues ambitieuses des chefs de la colonie ; je ne me suis pas trompé.

Ces chefs, qui annonçaient leur dévouement à la France dans leurs proclamations, ne pensaient à rien moins qu’à être Français ; s’ils parlaient quelquefois de la France, c’est qu’ils ne se croyaient pas en mesure de la mécontenter ouvertement.

Aujourd’hui leurs intentions perfides sont démasquées. Le général Toussaint m’avait renvoyé ses enfans avec une lettre dans laquelle il assurait qu’il ne désirait rien tant que le bonheur de la colonie, et qu’il était prêt à obéir à tous les ordres que je lui donnerais.

Je lui ai ordonné de se rendre auprès de moi, je lui ai donné ma parole de l’employer comme mon lieutenant-général : il n’a répondu à cet ordre que par des phrases ; il ne cherche qu’à gagner du temps.

J’ai ordre du gouvernement français de faire régner promptement la prospérité et l’abondance ici ; si je me laissais amuser par des détours astucieux et perfides, la colonie serait le théâtre d’une longue guerre civile.

J’entre en campagne, et je vais apprendre à ce rebelle quelle est la force du gouvernement français.

Dès ce moment, il ne doit plus être aux yeux de tous les bons Français qui habitent Saint-Domingue, qu’un monstre insensé.

J’ai promis aux habitans de Saint-Domingue la liberté ; je saurai les en faire jouir. Je ferai respecter les personnes et les propriétés.

J’ordonne ce qui suit :

Art. 1er. Le général Toussaint et le général Christophe sont mis hors la loi, et il est ordonné à tout citoyen de leur courir sus et de les traiter comme des rebelles à la République française.

2. À dater du jour où l’armée française aura occupé un quartier, tout officier, soit civil, soit militaire, qui obéira à d’autres ordres qu’à ceux des généraux de l’armée de la République française, que je commande, sera traité comme rebelle.

3. Les cultivateurs qui ont été induits en erreur, et qui, trompés par les perfides insinuations des généraux rebelles, auraient pris les armes, seront traités comme des enfans égarés, et renvoyés à la culture, si toutefois ils n’ont pas cherché à exciter de soulèvement.