Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 6.djvu/262

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voyait comme lui, qu’il y avait peu de sécurité avec un chef comme Dessalines ; que bien qu’il n’eût cependant rien à lui reprocher personnellement, si un événement survenait, il suivrait le parti que prendrait Borgella. On ne doit pas s’étonner de cette réponse de Lamarre, en se rappelant l’intimité qui existait entre eux, quand ils servaient tous deux dans la cavalerie de l’Ouest, à Léogane, et ensuite dans l’escorte de Rigaud.

Arrivé à Aquin, Borgella tomba malade. Contrarié dans son dessein d’aller aux Cayes, il commença une lettre qu’il voulait adresser à Geffrard pour lui transmettre les paroles de Pétion ; mais il se ravisa et la brûla, fort heureusement ; car il ne tarda pas à apprendre la mort de Geffrard, et la saisie de tous ses papiers mis sous scellé par les soins du général Moreau, qui espérait y trouver les preuves convaincantes de ses dénonciations à l’empereur, et surtout de la conspiration qui s’ourdissait aux Cayes.

Geffrard, en retournant dans cette ville pour s’y préparer, n’avait pu garder un secret absolu sur ce dont il était convenu avec Christophe et Pétion, parce qu’il avait nécessairement besoin du concours de plusieurs officiers pour abattre l’empereur, quand celui-ci y viendrait ; mais ce fut le nom de Christophe, général en chef de l’armée, qu’il mit en avant pour les disposer à le reconnaître pour chef de l’Etat, en leur persuadant que ce général avait lui-même provoqué cette terrible mesure, comme le seul moyen de mettre un terme à la tyrannie impériale. Le général Moreau ne put donc pas ignorer tout-à-fait ce projet, sans cependant en connaître toutes les ramifications ; car chacuu se défiait de lui, à cause des procédés dont il usait envers Geffrard, si sincèrement estimé et