Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 6.djvu/317

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

En entrant aux Cayes, Wagnac fit assembler les troupes sur la place d’armes. Là, il leur déclara que l’insurrection dont il prenait la direction n’était point guidée par l’ambition ; que son origine, ses causes, prenaient leur source dans la nécessité de secouer le joug d’une tyrannie insupportable, qui ne respectait pas les droits des citoyens et de l’armée : « Soldats, leur dit-il, depuis la déclaration de notre indépendance nationale, combien de fois avez-vous été payés de votre solde ? Combien de fois avez-vous été habillés ? Cependant, les caisses de l’Etat regorgent d’or ; mais c’est pour servir aux dépenses scandaleuses des maîtresses du tyran. Il n’est plus notre chef : c’est le général en chef H. Christophe qui l’est maintenant ; c’est en son nom que nous agissons tous ; il ne fera pas comme Dessalines. J’ordonne aux quartiers-maîtres des corps de dresser des feuilles de solde dans la journée même, pour que vous soyez payés : vous serez habillés aussi. »

Cette allocution militaire produisit sur les troupes un enthousiame électrique ; elles crièrent : Vive le général Christophe ! Vive le colonel Wagnac ! Vive l’adjudant-général Papalier ! Tous les liens de subordination, de soumission à l’autorité impériale de Dessalines, furent dès lors rompus. La proclamation de Christophe, comme chef du gouvernement, prouve invinciblement que Wagnac, peut-être Papalier et les autres officiers supérieurs, avaient été initiés par Geffrard au projet arrêté à

    de la tête de Henri portée à la pointe d’un sabre et montrée à Inginac, à qui l’on aurait dit : Ton tour viendra bientôt, ce fait nous semble tout-à-fait apochryphe. Quant à Almanjor, il se sauva dans ces momens sur un caboteur qui le porta aux Gonaïves.