Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 6.djvu/366

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devons déclarer ici que, si nous n’avions pas trouvé dans l’lHrstoire d’Haïti toutes les imputations dont Pétion fut l’objet à cette époque, nous les eussions reproduites pour avoir l’occasion de défendre sa mémoire. Ainsi, que notre compatriote ne s’étonne pas si nous contestons les jugements qu’il aura portés à son égard, d’après les traditions qu’il a recueillies.

Que Pétion fût froid et adroit, nous n’en disconvenons pas : froid, par la raison qui dominait toujours en lui[1] ; adroit, ou plutôt habile, par ses talens politiques, par son génie qui appréciait sainement une situation, et qui le fit toujours réussir.

Quand Gérin fît ses objections à Francisque, c’est que, malgré sa témérité habituelle, il sentait que cette entreprise était des plus audacieuses : il fallait, en effet, de l’audace pour y réussir, et il remplit fort bien sa mission. Mais, après la réussite, c’étaient la prudence, et la modération qu’elle conseille, qu’il fallait pratiquer.

En outre, de quel pouvoir Pétion songeait-il donc à se saisir, lorsque ses objections à la proposition intempestive de Gérin tendaient à fortifier celui dont on venait de revêtir Christophe ? En s’y opposant, il restait encore conséquent et fidèle à l’accord qui avait existé entre lui, le général en chef et Geffrard, à la fête de l’indépendance ; il était sincère[2]. Et puis, tous les antécédens de Pétion, comparés à ceux de son collègue, ne parlaient-ils pas assez

  1. « La froideur et la plus grande qualité d’un homme destiné à commander. » — Napoléon.
  2. Si l’on veut nier cet accord, cette conjuration, le mérite de Pétion n’en séra que plus grand, lorsqu’il repoussait la proposition de Gérin ; et quant à ce dernier, il suffit de lire ses lettres des 12 et 18 octobre à Christophe, pour reconnaitre son inconséquence, lorsqu’il voulait empiéter sur l’autorité de ce chef.