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nous sommes, la sévérité fût le seul remède auquel il fallut recourir ; et je suis loin de croire qu’elle aurait produit l’effet que vous présumiez. Dans le passage d’un gouvernement à un autre, si l’on peut s’opposer à ce que les lois soient entièrement suspendues, il est difficile d’empêcher qu’elles ne perdent une partie de leur force et de leur énergie.

Quant à la mission du général Dartiguenave dans le Sud, je n’ai fait que me conformer à votre lettre dont il était porteur et par laquelle vous m’invitiez à l’aider de mes conseils ; et si je me suis permis de vous faire quelques observations, ce n’est que parce que vous m’avez autorisé à cela par plusieurs de vos lettres, entre autres celle du 23 octobre où vous vous expliquez ainsi : « Personne mieux que vous, mon cher camarade, ne connaît mes principes et mon désintéressement pour toute espèce d’emploi ; il m’a fallu un aussi puissant motif pour me déterminer à accepter ce fardeau énorme, avec la persuasion que j’ai, que vous concourrez en votre particulier à m’aider de vos lumières, lorsque le bien public l’exigera. »

Connaissant les principes du général Gérin, je suis persuadé, général, qu’il ne regarde pas plus les deux divisions du Sud comme sa propriété, que je ne regarde celle de l’Ouest comme la mienne. Je pense même qu’aucun autre fonctionnaire ne peut avoir une semblable idée. Le prix des services du général Gérin, comme le prix des miens, est la gloire d’avoir reconquis la liberté de notre pays. Si nous avions de l’ambition, après la journée du 17 octobre, nous étions les maîtres d’y donner un libre cours, tandis que notre démarche, au contraire, a prouvé quel était notre désintéressement. Le grade de général de division que j’occupe en ce moment suffit à mon ambition, et je serai toujours prêt à m’en démettre, lorsque le bien public l’exigera. J’ai prouvé plus d’une fois que je n’ai jamais connu ni l’intrigue ni l’ambition ; la voix publique ne laisse aucun doute à cet égard. C’est pourquoi j’eusse désiré que vous m’eussiez fait connaître quels sont ceux qui tiennent le fil des trames que vous dites qui s’ourdissent dans l’Ouest et dans le Sud ; car j’aime aussi que l’on me parle ouvertement et que l’on s’exprime catégoriquement : alors, je pourrais y répondre.

L’accusation que vous me faites, de ne pas réfléchir sur les lettres que je vous écris, m’a fait beaucoup réfléchir sur la vôtre et sur votre dernière proclamation, et j’y ai vu un acte peu propre à ra-