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en s’éloignant de ce groupe pour se mêler dans la foule des autres fuyards.

Ayant ainsi donné le change aux cavaliers ennemis, ceux-ci ne s’acharnèrent plus que contre lui : ils le poursuivirent, tandis qu’il s’efforçait de leur échapper.

Son action, d’un héroïsme si magnanime, ne pouvait irriter Pétion dont l’âme était accessible à tous les sentimens généreux. En cet instant, ses autres compagnons, résolus à périr avec lui, virent cependant une chance de salut : ils l’engagèrent à entrer dans le bois qui bordait la route, afin d’atteindre l’embarcadère de l’habitation Truitier, dans l’espoir d’y trouver un canot qui les porterait en ville. Ils abandonnèrent leurs chevaux ; et, comme eux, Pétion tira ses pistolets de ses fontes. Un militaire, nommé Roch, les suivit[1].

Examinons cette partie de la narration de l’Histoire d’Haïti, t. 3, p. 378.

« Pétion, portant un chapeau galonné et poursuivi par la cavalerie ennemie, se voyait sur le point d’être fait prisonnier ; il voulut se donner la mort ; mais Meyronnet, son neveu et son aide de camp, qui marchait à ses côtés, avait enlevé ses pistolets de ses fontes et pressait son cheval par le fouet. »

Ce serait un singulier rôle que cette tradition ferait jouer là à Pétion. D’abord, il n’est pas vrai qu’il voulut se donner la mort ; s’il avait eu ce dessein, ce désespoir, il

  1. Je relate ces faits d’après Bouzy qui me les raconta. Ce Roch devint officier dans la 10e où passa Bouzy en qualité de capitaine adjudant-major, sous les ordres de Bédouet devenu colonel de ce régiment. Covin, ancien cavalier de la Légion de l’Ouest et de l’escorte de Bauvais, était devenu cavalier dans les guides de Toussaint Louverture. Sous Dessalines, il éiait adjudant-major du 2e escadron de dragons de l’Ouest sous les ordres de Bastien ; dans la déroute, il resta auprès de Pétion.