Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 6.djvu/55

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venaient d’avoir lieu récemment ? La vengeance ne doit-elle donc pas avoir un terme ?

On ne peut attribuer de telles excitations qu’à la perversité de l’âme, ou à une ambition démesurée, qui portait Boisrond Tonnerre à tenter de prévaloir sur le mérite de ses collègues ; et l’on aperçoit d’avance pourquoi il partagea le regrettable sort de Dessalines. C’est le plus grand malheur pour les chefs, que d’avoir de pareils hommes dans leurs conseils : pour peu qu’ils ne soient pas eux-mêmes portés à la modération, ces conseillers les entraînent toujours dans de funestes voies. On admet qu’il n’est pas ordinairement facile de réclamer contre la violence manifestée par de tels chefs, de leur suggérer des idées raisonnables ; mais du moins, ceux qui les entourent devraient s’abstenir de les y exciter encore. En remarquant un morne silence autour d’eux, ils réfléchiraient sur cette désapprobation intime ; ils s’amenderaient peut-être : dans tous les cas, la responsabilité de leurs actes pèserait sur leur tête seule.

Dans ce passage des mémoires de Boisrond Tonnerre, on voit qu’il était assez éclairé pour savoir que les lois doivent protection à tout homme, et surtout à tout homme sans défense ; mais il demandait le contraire, il réclamait une vengeance perpétuelle ! C’est dégrader les lumières de l’esprit, que de s’inspirer d’une haine sans, frein. Quand l’esprit est éclairé, le cœur sait d’autant mieux avertir contre les excès. Boisrond avouait encore que d’autres de ses concitoyens suppliaient la clémence de Dessalines, sans doute en faveur de quelques Français que ce chef lui-même avait épargnés de sa vengeance ; mais il invoque sa fureur, non-seulement contre eux, mais encore contre ces Haïtiens que la pitié animait ; il