Aller au contenu

Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 7.djvu/109

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

faire l’écho d’un écrit où l’auteur mit toute la méchanceté de son esprit, pour essayer de dénigrer les hommes qui fondèrent la glorieuse République de notre pays. Mais cette brochure produisit un effet puissant sur l’âme aigrie de Gérin.

Sachant que le meilleur moyen de combattre un écrit de cette nature, est de plaisanter tout le premier des imputations injustes qu’il contient, Pétion, dont l’humeur était quelquefois railleuse, malgré son caractère réservé et grave, s’en empara et le lut dans le cercle qui se forma immédiatement au palais de la présidence pour en prendre connaissance, et où se trouvèrent la plupart de ceux que cet écrit désignait. Chanlatte l’avait supposé présent à une séance du sénat, où il distribuait les rôles et les fonctions de chacun de ses membres, en vue des éventualités de la guerre civile ; ce fut la partie de l’écrit, où lui-même jouait un rôle tragi-comique, qui attira le plus son attention pour en rire et engager ses auditeurs à faire comme lui[1]. Malheureusement plusieurs d’entre eux s’imaginèrent, et Gérin surtout, qu’il était bien aise des méchancetés de Chanlatte, pour diminuer leur influence dans l’Etat. Cette pensée injuste vint ajouter à la désapprobation que quelques-uns donnaient à son système politique, qu’ils considéraient comme conçu par lui pour absorber toute l’influence ; elle eut des résultats fâcheux dans la suite, elle entretint l’animosité et l’opposition de Gérin.

Blanchet aîné fut aussi peu disposé à excuser l’inten-

  1. Chanlatte plaisantait Pétion de sa défaite à Sibert, le 1er janvier, en parlant de « sa valeur embourbée dans les marais fangeux de ces lieux. » Arrivé à cette phrase, Pétion dit en riant aux éclats : « Ma foi ! il a raison ; car ce jour-la je fus contraint de fuir, et j’avais de la boue sur tout le corps. » La scène qu’il lui fit jouer au sénat, était une imitation de celle où César, dans la tragédie de Voltaire, assigne à chacun son poste, dans son projet de marcher contre les Parthes.