Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 7.djvu/219

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qu’il reçoit de son chef et qu’il n’exécute qu’après avoir calculé ce qui peut lui en revenir, et s’il plaira ou déplaira ?…


En lisant ce seul extrait de la lettre fort longue, d’un général que le sénat requérait d’accourir au secours d’une armée compromise, selon ce corps, on peut juger du caractère de Gérin et de ses prétentions vivaces. On le voit toujours se poser en face de la postérité contemporaine et future, blâmant incessamment tout ce qu’il ne faisait pas lui-même, parce qu’il croyait, pour ainsi parler, posséder la science infuse en toutes matières.

Il avait mis 4 jours à se décider pour se rendre au vœu du sénat ; il en mit dix autres pour arriver au Petit-Goave, éloigné de 15 lieues de l’Ànse-à-Veau ! Il y arriva le 5 décembre. Du Petit-Goave, ce jour-là, il écrivit au sénat, qu’il était en route pour se rendre à ses ordres ; il n’arriva au Port-au-Prince, à 15 autres lieues, que le 11 !

Pourquoi ce retard, calculé évidemment, de la part d’un militaire aussi actif, encore dans la force de l’âge, quoi qu’il en eût dit dans sa lettre de démission à Pétion ? C’est qu’il souscrivait avec une sorte de répugnance au vœu de ses anciens collègues qui avaient encouru son mécontentement, et surtout Daumec ; c’est qu’il voyait dans leur démarche, flatteuse pour lui, une mesure qui pouvait ne pas être agréable à Pétion, lequel avait retenu en ses mains le pouvoir de nommer aux emplois militaires, de faire des promotions dans l’armée. Gérin agit tout juste pour ne pas trop l’offusquer, sauf à faire ultérieurement ce que la situation comporterait. Sous un autre rapport, comme militaire, il put envisager que ce serait compromettre sa réputation, que d’accourir au Port-au-Prince, où il ne trouverait pas un soldat, pour y prendre le commandement des gardes nationaux de la ville et de