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valide à la guerre, il aurait un droit égal à la munificence nationale, dignement interprêtée par le chef de l’État[1].

Ce qui n’est pas écrit dans cet arrêté, mais ce qui eut lieu par suite de ses dispositions, c’est que Pétion arriva bientôt à considérer aussi les services que rendaient au pays, à l’État, les gérans ou conducteurs des habitations rurales, et à les récompenser par des concessions de cinq ou dix carreaux de terre, c’est-à-dire ceux placés sur les propriétés domaniales. En général, c’étaient d’anciens individus habitués, depuis les colons, à diriger les ateliers dans leurs travaux agricoles ; ils exerçaient une influence dérivant de leur âge et de cette autorité déléguée ; les cultures se maintenaient encore par leurs soins ; car les fermiers de l’État n’allaient guère sur les biens affermés. Par ces dons nationaux, ils étaient intéressés à continuer leur utile gestion, à tracer l’exemple aux cultivateurs, par le travail auquel ils se livraient pour leur propre compte, et à les maintenir dans l’obéissance au gouvernement, par l’effet de leur reconnaissance personnelle pour cet acte de justice et de bienfaisance.

Il paraît, que ce fut à cette fin de l’année 1809, que Bonnet proposa d’établir le monopole sur la vente du

  1. Dans ses Mémoires publiés en 1843, à Kingston, en confirmant ce que j’ai su du général Bonnet lui-même, — qu’il fut opposé aux dons nationaux, — B. Inginac prétend que ce fut sur sa propre proposition que Pétion les délivra. Je ne puis réfuter cette assertion par aucun document ; mais je crois difficilement que le chef qui, moins d’un mois après son élection, avait proposé la vente des habitations, ne serait pas encore celui qui conçut l’idée des concessions de terre, surtout lorsqu’il avait sous les yeux, le plan du partage des terres, proclamé par Polvérel sous les ordres de qui il avait servi, tandis qu’Inginac était alors avec les Anglais.

    Pour appuyer son assertion, Inginac assure que « l’État manquait de ressources et que les défenseurs de la patrie montraient du découragement.  » Or, à cette époque, Bonnet fournissait à tous les besoins du Môle et de la marine : ces deux services l’emportaient sur les autres, et l’on sait que les troupes de la République ont toujours été d’une abnégation admirable, surtout sous Pétion : d’ailleurs, cette distribution de terres n’était qu’en faveur des invalides, des militaires en non-activité.