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récompenser d’une manière éclatante et utile à eux-mêmes, les services rendus à la patrie par les généraux de la République, lesquels n’ont eu jusqu’ici d’autres avantages que ceux purement attachés à leurs grades, et dont la situation du pays n’a pas permis de leur faire jouir aussi souvent qu’il eût été raisonnable de le faire. Christophe, par des titres et des concessions immenses, a cherché à fixer l’attention des officiers généraux qu’il a égarés, par des qualifications éphémères, en usurpant les droits du peuple. Les principes du républicanisme n’admettent point ces erreurs desquelles résultent le despotisme et la tyrannie.

Je crois qu’il est de la dignité du peuple libre d’Haïti, de reconnaître d’une manière plus solide et plus généreuse les services qui lui sont rendus. Je vous propose donc, citoyens sénateurs, de décerner à chacun des officiers généraux de la République, la concession d’une habitation sucrerie à titre de don et de récompense nationale.

Je laisse à votre sagesse, à prendre le sujet de ma proposition en sérieuse considération, et à prendre telle délibération que vous jugerez convenable.

Signé : Pétion.

La propriété ! quelle immense influence n’exerce-t-elle pas sur l’esprit et le cœur des hommes en général ! Le danger qu’il y a dans les titres, les décorations, dans tous les honneurs qui ne flattent que leur puérile vanité, c’est qu’ils les entraînent souvent à des actes coupables. Mais lorsqu’un chef les rend propriétaires, surtout au nom de la nation, il leur accorde leur indépendance personnelle, par conséquent la vraie liberté, et avec elles la plénitude de leur dignité : leurs idées doivent s’agrandir alors, s’élever à la hauteur de leurs devoirs moraux et politiques, pour mieux servir leur patrie. Telle a été l’influence moralisante des propriétés données aux généraux de la République : on peut dire qu’à partir de cette époque, l’ambition vaniteuse fit place à celle qui honore toujours le citoyen ; ils n’eurent plus que la pensée de la