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eux : car tout l’ordre social dépend d’abord de ce principe salutaire et moralisant[1].

Eh quoi ! des Haïtiens blâmeraient en Pétion ce que le monde admire en Washington ! Lorsque le Héros des États-Unis réconcilia ce pays avec la Grande-Bretagne, après ses succès glorieux, n’était-ce pas pour consolider son indépendance souveraine et jeter les fondemens de sa prospérité ? Le Législateur d’Haïti n’avait-il pas aussi la mission de réconcilier ce pays avec la France, après avoir combattu pour fonder son indépendance et sa souveraineté ? N’était-ce pas le seul moyen de consolider la nationalité et la stabilité du premier peuple de la race noire qui a brisé le joug européen, qui a fait de son territoire un asile pour tous les hommes de cette race que la persécution et les préjugés atteignent en Amérique ?

Ainsi, selon nos faibles lumières, nous ne trouvons qu’approbation à donner à Pétion en cette circonstance, quant aux propositions qu’il fît à D. Lavaysse. Mais nous allons voir s’il n’a pas mérité encore d’autres éloges pour les procédés dont il usa envers cet agent de la France ; et, à cet égard, il faut comparer la conduite tenue par Christophe envers Franco de Médina.


Cet agent, étant à Saint-Yague, lui écrivit pour lui donner avis de la mission dont il était chargé auprès de lui. Christophe, qui avait déjà reçu la lettre de D. La-

  1. Si notre argumentation paraît sensée au lecteur, il doit reconnaître aussi l’avantage que présentait, pour le peuple haïtien, le système politique de Pétion comparé à celui de Christophe. Pétion rendait chaque citoyen intéressé à la défense du pays, pour la liberté et la propriété maintenues en faveur de tous. Christophe, en violentant ces deux droits par son régime monarchique excessivement oppressif, eût rendu les Haïtiens soumis a ses ordres, indifférons à leur sort, si leur propre énergie n’était pas aussi vivace qu’en 1804, quand il s’agissait de la France.