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Déjà, l’opinion publique s’y était tellement prononcée contre la concession faite à la France, que le ministre anglais porta ceux de Russie, d’Autriche et de Prusse, au Congrès de Vienne, à se joindre à lui pour déclarer ensemble, le 8 février : « que la traite des noirs serait définitivement abolie par une convention postérieure qui réglerait l’époque de sa cessation. »

Le 29 mars, Napoléon rendit un décret qui l’abolit dans les colonies françaises, et de la part de tout Français[1].

Lorsque lui, qui avait fait rétablir cet infâme commerce, le 30 mai 1802, il l’abolissait à la face du monde en 1815, après l’acte du 8 février ; les Bourbons pouvaient-ils dédaigner l’opinion et persister dans leur réserve à ce sujet ? Il y a une pudeur imposée aux Rois comme aux particuliers, de laquelle ils ne peuvent s’affranchir.

Aussi, le 26 juillet, dix-huit jours après la rentrée de Louis XVIII à Paris, les ministres de la Grande-Bretagne, d’Autriche, de Prusse et de Russie, signèrent un protocole par lequel ils invitèrent la France à abolir la traite des noirs.

Le 30, Talleyrand écrivit à Lord Castlereagh, que par suite d’une conversation que Louis XVIII avait eue avec Sir Charles Stuart, S. M. avait donné ordre pour que la

    décret du 29 mars, qui sont à peu près les mêmes que celles consignées dans le Mémorial de Las Cases. L’Empereur, selon lui, aurait fort bien accueilli les propositions de Pétion, relatives à l’indemnité et au rétablissement des relations commerciales entre la France et Haïti ; et il aurait dit à D. Lavaysse, qu’à de telles conditions, il aurait reconnu l’indépendance d’Haïti.

  1. Aussitôt la réunion du corps législatif des Cent-jours, H. Grégoire s’empressa de lui adresser une lettre par laquelle il demandait qu’une loi fût rendue, pour sanctionner le décret du 20 mars : cette demande ne fut pas accueillie. Grégoire pensait sans doute que cette loi était nécessaire pour détruire la disposition de celle du 30 mai 1802 qui avait rétabli la traite des noirs en même temps que leur esclavage, dans les colonies françaises, car il connaissait l’esprit variable de son pays.