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s’éloigner de ces contrées par rapport aux préjugés de couleur, il fallait consacrer, par l’article 44, le principe posé par Dessalines et leur droit à venir jouir en Haïti de leur dignité personnelle, avec d’autant plus de raison que déjà plusieurs faits de cette nature avaient eu lieu depuis l’indépendance. On a vu aussi qu’après le rétablissement des relations commerciales avec la France, Pétion avait fait inviter tous les mulâtres et les noirs qui s’y trouvaient, quel que fut le lieu de leur naissance, à venir dans la République, et que leur passage fut payé. Au commencement de l’année 1816, des hommes semblables étaient venus de la Martinique d’où les préjugés et un régime affreux les avaient chassés[1]. En outre, il était à prévoir que des Africains, capturés dans la répression de la traite, pourraient être introduits en Haïti.

Quant aux Indiens, l’article 44 avait essentiellement en vue ceux des diverses contrées de l’Amérique, dont le sort fut aussi malheureux que celui des Africains : c’était justice que de les admettre, eux et leurs descendans, aux mêmes droits de citoyen d’Haïti, s’ils venaient y chercher un refuge. Même ceux des Indes Orientales, d’une couleur analogue, durent paraître dignes des mêmes avantages, puisque la couleur des hommes est un signe de réprobation, d’après le système colonial des Européens.

Ainsi, tandis que la nouvelle constitution renforçait les dispositions portant exclusion de ces derniers, elle tendait les bras aux races proscrites par les préjugés nés dans leurs colonies. C’est que Pétion, qui favorisait dans le même moment l’entreprise de Bolivar, sous la condi-

  1. Lesage, mort général du génie, et plusieurs d’autres Martiniquais furent ceux dont il s’agit. On conçoit alors quelle influence leur arrivée à Haïti dut exercer sur les dispositions de la constitution revisée.