Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 8.djvu/234

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les affranchis[1]. Mais alors, Pétion était dans l’Ouest et ne s’était nullement trouvé sous les ordres du noble vicomte. Celui-ci ne rappelait ce fait, aussi vieux que lui, qu’afin de faire entendre à Pétion qu’il pourrait se concerter de nouveau avec les hommes de couleur pour replacer l’ancien Saint-Domingue sous les lois de la France, redevenue royaliste.

Le 6 octobre, le président répondit à la lettre des commissaires avec sa modération habituelle. Il convint que « lui et ses concitoyens avaient défendu le drapeau français (le drapeau tricolore) avec beaucoup de courage et un dévouement sans bornes » ; mais il rappela aussi la conduite qu’on avait tenue à leur égard : ce qui nécessita la formation d’un peuple nouveau, érigeant une République qui se gouvernait par ses propres lois. Il parla des efforts que faisait la Grande-Bretagne pour faire cesser le honteux et barbare trafic de la traite des noirs, et de la réserve que S. M. Très-Chrétienne avait faite de le continuer pendant cinq années, à la suggestion des colons dont la méchanceté, les écrits et les libelles incendiaires prouvaient, qu’auteurs de leurs propres maux, ils étaient des êtres incorrigibles[2]. À ce sujet, il rappela les faits relatifs à la mission de D. Lavaysse et consorts, envoyés à Haïti par un ministre-colon influent auprès de Louis XVIII. Enfin, Pétion termina sa réponse en disant aux commissaires français, qu’ils trouveraient dans la

  1. Voyez t. 1er de cet ouvrage, pages 366 et 367.
  2. M. Laujon prit sans doute sa part dans ces reproches si fondés. Dans l’ancien régime, il était membre du conseil supérieur de Saint-Domingue. On verra que par la suite et à la faveur de son commerce, il fut tellement converti à des idées d’arrangement entre la France et Haïti, qu’il devint un intermédiaire pour y arriver, étant une sorte d’agent de M. Esmangart qui y contribua le plus. Nous avons acquis la preuve que ce dernier était animé de sentimens aussi concilians qu’honorables, et nous dirons plus tard ce qu’il fit.