Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 8.djvu/256

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plan, le résultat définitif eût été le même. D. Lavaysse, convaincu qu’il ne pouvait tenir à Pétion le langage indiqué dans ses instructions, lui avait proposé de proclamer la souveraineté absolue du Roi de France, sauf à tout espérer de sa bonté et des faveurs qu’il voudrait bien accorder aux Haïtiens ; mais, au fond, il savait bien qu’on arriverait à l’exécution du plan de Malouet, si Pétion avait adhéré à sa proposition. Les commissaires de 1816 lui proposèrent aussi de reconnaître le Roi de France comme « souverain de la colonie de Saint-Domingue, » sauf à la gouverner en son nom d’après la constitution modifiée à raison de ce léger changement.

Cette proposition n’était pas acceptable ; car en renonçant seulement au nom d’Haïti, c’eût été l’abjuration de notre indépendance. Redevenant colonie, cette île eût continué à exercer, à l’intérieur, et sous le bon plaisir du monarque français, cette espèce de souveraineté qui existe dans la législation de tout pays ; mais, à l’extérieur, le monarque seul aurait exercé cette autre souveraineté qui constitue réellement l’indépendance, ou plutôt qui en résulte à l’égard des autres puissances[1].

Après leurs entretiens et leur correspondance avec Pétion, les commissaires français devaient penser qu’il était capable de comprendre ces choses. Ils n’ont donc pu faire leurs dernières propositions, que pour obéir à leurs instructions, — quelles que soient d’ailleurs les assertions contraires qu’ils auront consignées dans leur rapport au ministre de la marine et des colonies.

Mais ce qui est fait pour nous étonner, c’est qu’en

  1. Au fait, les commissaires proposaient de revenir a l’état de choses que Toussaint Louverture et les colons avaient établi par leur constitution de 1801. Mais Pétion et les Haïtiens de 1816 étaient les mêmes hommes que ceux du 1er janvier 1801.