Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 8.djvu/272

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

blics se plaignaient généralement de recevoir rarement en argent, le montant de leurs émolumens ; de n’avoir presque toujours que des feuilles ordonnancées en dépense, qu’ils étaient forcés d’escompter à 30 ou 40 pour cent avec les comrnerçans. Il en était de même des personnes qui faisaient des fournitures à l’État ; et toutes ces ordonnances, ou bons ou mandats, appelés dans le discours papier du gouvernement, étaient reçus au trésor, au pair, pour leur valeur réelle, ainsi qu’il fut dit, en payement des droits de douanes principalement : ce qui augmentait le profit des commerçans, particulièrement des négocians étrangers cosignataires[1].

Cette situation financière eut pour origine, l’acquisition de l’immense quantité d’approvisionnemens de guerre de toutes sortes, depuis que le pays était menace incessamment d’une invasion de la France ; et encore l’augmentation de la marine militaire par une frégate et des corvettes, afin de s’assurer une supériorité sur celle du Nord, en cas de nouvelle entreprise de la part de Christophe : ce qui contraignait le gouvernement à réserver les recettes en argent pour payer la solde des troupes de temps en temps, la confection de leur habillement et leur rationnement régulièrement. La réduction des droits d’importation sur les marchandises anglaises, était une cause de plus de la diminution des revenus publics et de la gêne du trésor ; et cela contribuait encore aux

  1. On se plaignait aussi, avec raison, du scandale qu’offrait la conduite de Piny, directeur de l’hôtel des monnaies, par les dépenses excessives qu’il faisait et qu’une vaine ostentation lui suggérait, tandis que les autres fonctionnaires publics étaient forcés a l’escompte de leurs appointemens. Cette conduite le faisait accuser de fabriquer de la monnaie à son profit aux mêmes titres et types que celle de l’État qui avait une valeur plutôt nominale que réelle. Quelque fût le respect qu’on avait pour Pétion, on ne pouvait approuver qu’il tolérât désordre financier.