Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 8.djvu/300

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décision supérieure, il ouvrit la poudrière, sema de la poudre de là aux parapets du fort, et contraignit les militaires de garde à en sortir. Se tenant ensuite debout sur les parapets, un tison ardent à la main, Jean Marassa refusa de se soumettre à toutes les autorités. On parlementa en vain avec lui par ordre de Pétion, parce qu’on voyait qu’il avait bu des liqueurs fortes : il jura qu’il se ferait sauter aussitôt le coucher du soleil. Cette déclaration même faisait espérer qu’il n’en viendrait pas à l’exécution ponctuelle de son dessein ; mais il fit comme il avait dit, et l’explosion causa des dommages à la fortification, outre la perte de la poudre. Il n’y aurait eu qu’un seul moyen de l’empêcher de commettre cet acte de vandalisme : c’était d’aposter d’habiles tireurs pour l’atteindre à coups de fusil, pendant que, debout sur les parapets du fort, il répondait aux paroles qu’on lui transmettait au nom de Pétion ; mais ce dernier ne voulut point consentir à cette déloyauté envers un officier qui, d’ailleurs, avait été un brave défenseur de l’État. On ne peut qu’approuver cette humanité en Pétion, fondée de plus sur la droiture.

En octobre suivant, le Grand Juge installa le tribunal de cassation dans une solennité digne de cette cour supérieure de justice ; tous les membres du corps judiciaire de la capitale y assistèrent ainsi que l’élite de ses habitans. De respectables citoyens furent appelés à le composer ; c’étaient : Linard, en qualité de doyen, Fresnel, Thézan jeune, J.-F. Lespinasse, Pitre jeune, Lemérand et Thomas Christ, en celle de juges, et Audigé en celle de commissaire du gouvernement. Le Grand Juge, le doyen et le commissaire prononcèrent chacun un discours où étaient rappelés les devoirs de la magistrature en général,