Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 8.djvu/33

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On ne saurait approuver une telle manière de procéder, une telle décision de la part du chef de l’État, surtout à l’époque où elle eut lieu. Le calme était revenu dans la société, les factions politiques avaient cessé leurs agitations ; les lois auraient dû reprendre leur empire. Le désistement de la partie civile ne pouvait pas, n’aurait pas dû éteindre l’action publique du magistrat préposé pour l’exercer. Beaugé, prévenu, accusé d’un crime, aurait dû subir un jugement pardevant le tribunal compètent, sauf aux magistrats à apprécier les circonstances qu’il eût pu présenter en atténuation du fait, et au chef de l’État à exercer ensuite le droit de grâce, en cas de condamnation. On verra que cette impunité, cet oubli de la juste sévérité de la loi, enhardit Beaugé dans la perpétration d’un autre crime plus odieux dont la relation aura lieu, suivant l’ordre chronologique.

Une autre affaire occupa, dans le mois d’octobre suivant, le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif de la République, sur une question constitutionnelle de la plus haute importance, puisqu’il s’agissait de la nationalité haïtienne et des élémens qui la constituent.

Le sieur Oliver Carter, négociant Anglais, habitait le pays depuis 1797, et avait exercé le commerce successivement, comme consignataire, dans les villes d’Aquin, des Cayes, et du Port-au-Prince où il s’était établi en dernier lieu, dès 1807. Voulant se prévaloir des dispositions de l’article 28 de la constitution du 27 décembre 1806, pour être reconnu Haïtien comme admis dans la République au moment de la publication de cet acte, il fit dresser un acte de notoriété pour constater ce fait et sa longue résidence. Les témoins qu’il produisit au tribunal de paix étaient des personnages haut placés : le sénateur