Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 8.djvu/330

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nes y demeurèrent, beaucoup d’autres ne prirent aucun repos chez elles, comme si elles avaient des malades dans leurs propres familles. Et lorsqu’à 4 heures 5 minutes du matin, des cris de douleur retentirent dans la chambre de Pétion, annonçant son trépas, ils se répandirent du palais dans toute la ville : les pleurs, les sanglots, les gémissemens devinrent universels.

Jamais, non, jamais on ne vit un tel spectacle ! Jamais aucun autre chef d’État n’a fait couler autant de larmes à sa mort ! Les Haïtiens ne furent pas les seuls qui en versèrent ; les Étrangers partagèrent leur douleur et pleurèrent comme eux[1].

« Les Étrangers portent comme nous le crêpe funèbre ; ils n’honorent pas moins la mémoire de notre illustre chef ; et ce sont eux qui, les premiers, ont dit : « Vous ( avez perdu votre Washington ![2] »

De même que les garde-côtes de l’État et les bâtimens nationaux, les navires de toutes les nations étrangères qui étaient dans le port, mirent leurs vergues en croix et leurs pavillons à mi-mâts, en signe de deuil, durant les trois jours passés aux préparatifs des funérailles. Tous les magasins marchands et toutes les boutiques restèrent fermés. On ne vit pas un acte de désordre dans toute la ville, pas un seul homme ivre, tant la douleur était réelle et universelle[3].

Lorsqu’il fallut procéder à l’autopsie du corps de Pétion, pour en retirer le cœur et les entrailles et l’embaumer, sous la direction du docteur Mirambeau, inspecteur général du service de santé, assisté des médecins Elie,

  1. J’ai vu ce que je dis. On croit généralement que les matelots sont des hommes peu sensibles, par le dur métier qu’ils font : j’ai vu ceux des navires étrangers pleurer comme les commerçans de leurs nations.
  2. Abeille haïtienne du 3 avril.
  3. Abeille haïtienne du 3 avril.