Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 8.djvu/349

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Domingue, des hommes réellement libres ? Dans son système agricole, Toussaint n’avait-il pas entravé le légitime désir de ses anciens compagnons, de ses frères, d’acquérir leur indépendance personnelle par la petite propriété, fondement de la liberté ? Et par ses mesures de coercition, n’empêcha-t-il pas le développement de la civilisation de sa race, n’arrêta-t-il pas l’avenir de son pays ? La tyrannie ne peut avoir d’autre résultat.

Voyez au contraire la constitution de 1806 dont Pétion fut l’inspirateur, et cette œuvre revisée en 1816 sous ses auspices : n’a-t-elle pas consacré la liberté de ses concitoyens et tous leurs droits dans l’état social ? Le régime qui en découla ne fut-il pas tout de douceur, de bonté, d’humanité envers tous ? Dans son système agricole, Pétion n’a-t-il pas favorisé l’indépendance personnelle des vrais producteurs, d’abord par le métayage mis en pratique, puis par le morcellement, la division des biens des anciens colons et leur distribution en faveur de ces hommes, de ses compagnons d’armes, des fonctionnaires et employés publics ? N’était-ce pas, enfin, le moyen de consolider l’ordre social, d’assurer l’avenir de la race noire dans son pays et d’en faciliter la civilisation ?

Le gouvernement de Toussaint n’a été qu’un despotisme organisé, une cruelle tyrannie. Celui de Pétion, une œuvre de conciliation, de magnanimité envers ses adversaires.

Le génie de Toussaint a dû inspirer de l’admiration,

    Saint-Domingue qui la désiraient pour se recruter et s’augmenter en nombre ; ils l’avaient encouragée pour leur propre compte. » — Mémoires de Sainte-Hélène.

    C’est-à-dire, que Toussaint Louverture la désirait et se proposait de l’encourager ; mais les Noirs ne partageaient pas ses vues, car la traite n’eût amené que des esclaves à Saint-Domingue. À cet égard, Toussaint pensait comme le Premier Consul : voila l’exacte vérité.