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même famille que le gouvernement constitutionnel ralliait autour de l’autel élevé à la patrie commune. Les destinées d’Haïti ne pouvaient être fixées qu’à ces conditions ! Si Pétion mérita les louanges de la postérité pour sa conduite envers le Sud, Boyer ne les mérita pas moins pour la sienne envers le Nord.

La famille de Rigaud avait été respectée et protégée par son prédécesseur ; il se fit un devoir d’étendre également toute sa sollicitude sur la famille de Christophe, placée dans une situation encore plus malheureuse, et avec d’autant plus de mérite, qu’il étouffa tout ressentiment contre la mémoire du tyran qui avait fait périr son frère, uniquement à cause des liens qui les attachaient l’un à l’autre. Boyer se rendit auprès de la Veuve de Christophe et de ses filles, pour leur offrir des consolations et leur donner l’assurance de sa protection ; il le fit avec un sentiment de louable délicatesse, en leur adressant les paroles les plus affectueuses. Dans l’excès de sa gratitude pour ce témoignage d’une bienveillance à laquelle elle ne s’attendait point, peut-être, Madame Christophe se jeta aux genoux du président, pour l’en remercier : « Relevez-vous, Madame, lui dit-il en lui prenant la main : c’est votre frère, c’est votre ami qui se présente pardevant vous et vos demoiselles, pour vous consoler toutes trois dans le malheur dont vous êtes frappées. Le Chef de la République ne saurait éprouver d’autres sentimens pour vous. » Et il leur demanda la permission de les embrasser avec ce respect dû à leur infortune : son émotion leur prouva la sincérité qu’il mettait dans ses procédés.

La Veuve de Jean-Jacques Dessalines se trouvait aussi au Cap-Haïtien. Boyer lui donna également les témoigna-