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ces braves gens, le Président d’Haïti revint au Port-au-Prince avec les troupes[1].


À peine venons-nous de parler, dans le précédent chapitre, d’une loi qui transigea avec les mœurs générales du pays à cette époque, que nous avons à en citer un fâcheux exemple pris dans le sein d’une des plus anciennes familles. Mais aussi, grâce au sentiment inné dans le cœur de tous les peuples, du respect que l’on doit à la morale, à la justice, à toutes les choses qui contribuent à la conservation de la société, on vit l’opinion publique se prononcer contre les faits dont il s’agit et les flétrir de son improbation.

Une dame respectable avait deux filles d’une beauté remarquable. Cette femme, déjà âgée, avait connu le bon vieux temps du régime colonial où les mères donnaient, sans scrupule, leurs filles aux Européens pour en faire des femmes ménagères, comme on les appelait alors, mais qui souvent leur occasionnaient plus de dépenses par leur luxe, que ne l’aurait fait une épouse assurée de son état dans la société par le lien légitime du mariage. Or, il arriva que deux négocians étrangers, établis au Port-au-Prince, l’un Anglais, l’autre citoyen des États-Unis, choisirent ces deux jeunes personnes pour en faire leurs femmes. Ils étaient riches ou passaient pour tels, et ce fut assez pour décider la mère à conclure avec eux moyennant la souscription de billets à ordre par ces négocians pour les sommes convenues. À ces conditions, les deux belles créatures furent livrées et vinrent habiter le Port-au-Prince, où les séductions ne leur firent pas défaut. On conçoit d’ailleurs qu’un pareil

  1. Extrait du Télégraphe, du 23 janvier 1814.