Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 9.djvu/11

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les Bourbons de ce pays et ceux de France, le désir manifesté par ceux-ci de recouvrer Saint-Domingue : tout concourait à accréditer ce projet, qui, le cas échéant, eut placé la partie de l’Est sous la puissance des autorités françaises. On conçoit alors quelle devait être la crainte des habitans qui s’étaient soulevés contre le général Ferrand, et qui, aidés par les Anglais, avaient expulsé de ce territoire le reste des troupes françaises. La plupart des acteurs principaux de cette époque vivaient encore, et ils n’avaient reçu aucune récompense militaire ni autre du gouvernement espagnol, pour leur dévouement à sa cause. De là était née l’idée, chez quelques-uns, de se détacher de l’Espagne et de réclamer la protection de la Colombie que Bolivar organisait en ce moment, par suite de ses succès contre les Espagnols.

Cette idée leur était encore suggérée par la présence de plusieurs corsaires, portant pavillon des indépendans de l’Amérique du Sud, qui stationnaient depuis assez longtemps vers l’îlet de la Grange et dans la baie de Monte-Christ. Ils étaient sous les ordres supérieurs du Commodore Aury qu’on a vu figurer aux Cayes, en 1816, à côté de Brion, de Bolivar et des autres officiers de la Côte-Ferme. Aury s’y tenait, afin de capturer les navires qui allaient d’Espagne à l’île de Cuba, ou de cette dernière dans les ports de la métropole. Étant à proximité de Monte-Christ et de Puerto-Plate, il était tout à fait dans sa convenance d’y envoyer vendre, en contrebande, les marchandises d’Espagne que ses corsaires capturaient ; et ce commerce illicite était très-fructueux pour les habitans de toute la bande septentrionale de la partie de l’Est, que nous appelons le département du Nord-Est, anciennement de Cibao, parce qu’ils les achetaient à vil prix. Le