Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 9.djvu/212

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

malgré le grand succès obtenu par les institutions politiques pour le complément de la nationalité haïtienne, cette année se termina par un affreux désastre survenu dans la capitale de la République. Le 16 décembre, vers 7 heures du soir, un incendie éclata tout à coup dans une pharmacie située dans la Grande-Rue : il fut impossible d’en arrêter les progrès sur les lieux mêmes, à cause des matières inflammables que renferment ordinairement de tels établissemens[1]. Bientôt le feu se communiquant aux maisons voisines de celle ou se tenait la pharmacie, construites comme elle en bois et couvertes en aissantes, le vent dispersa des flammèches au loin sur les toits de plusieurs autres, et l’incendie se propagea ainsi sur tout le quai du commerce. Plus de 200 propriétés servant de magasins aux négocians, aux marchands, ou de logemens aux particuliers, furent dévorées en peu d’heures. Malgré l’activité mise par les autorités civiles et militaires et la présence même du chef de l’État sur les différens points du sinistre, tous les efforts auraient été impuissans par l’effet du vent, quand même on aurait eu de nombreuses pompes à feu et un service organisé préalablement pour les employer. Les pertes subies par les propriétaires, les locataires et le commerce, furent immenses. En août 1820, les marchands en détail avaient été surtout frappés par l’incendie de cette époque ; cette fois, c’étaient les négocians consignataires et

  1. Après un long séjour dans le pays, M. Cruchon, pharmacien français très-honorable, s’était décidé à aller revoir sa patrie ; avant de partir, il laissa son établissement au sieur Bellenou, son compatriote, pour le diriger. Mais ce dernier fit venir aussitôt de France tous les objets, toutes les drogues nécessaires à la fondation d’une nouvelle pharmacie ; ces choses venaient d’arriver et se trouvaient encore à bord d’un navire dans la rade, quand le feu prit dans l’établissement de M. Cruchon. Cette circonstance et l’empressement que Bellenou mit à installer le sien, le firent généralement soupçonner d’avoir incendié celui qu’il gérait, afin de n’en avoir pas la concurrence ; mais il n’y eut que des soupçons à son égard.