Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 9.djvu/34

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à la France, le Roi et le Pape l’envoyaient à Haïti pour les éclairer, « pour ramener au bercail ces brebis égarées, » mais en s’étayant de cet article de leur constitution qui donnait à leur chef la faculté de solliciter du Saint-Père la résidence d’un tel prélat dans le pays. C’était venir au devant de leur vœu, puisque ce chef n’usait pas de cette faculté.

Malgré cette initiative insolite et les avertissemens qu’il reçut par Grégoire et J. Georges, le Président d’Haïti chargea immédiatement un officier de porter l’ordre à l’abbé Jérémie, curé de la paroisse, de recevoir M. de Glory avec toutes les cérémonies usitées en pareil cas ; et les deux prêtres que l’évêque avait envoyés auprès du Président, ainsi que Lavalette, retournèrent à bord du navire pour lui annoncer les dispositions qui venaient d’être prescrites.

Aussitôt, le curé fit mettre en branle les cloches de l’église et appeler les chantres et les enfans de chœur pour l’assister : des dévotes s’y joignirent, et toute la population fut sur pied au bruit inusité du carillon qui se faisait entendre. On se porta en foule sur le quai du débarquement où l’abbé Jérémie se rendit avec la bannière et la croix : c’était dans l’après-midi d’un vendredi, jour de mauvais augure aux yeux des superstitieux.

De son côté, l’Évêque de Macri descendit du bord avec tous les ecclésiastiques venus avec lui, pour recevoir les honneurs qui s’adressaient à sa haute dignité. Mais quel ne fut pas son étonnement et celui de l’abbé Jérémie, de se trouver face à face ! Avant 1815, ils s’étaient trouvés tous deux dans une des îles du Vent, à Sainte-Lucie ou à la Dominique, et là, ils avaient eu entre eux une de ces querelles qui sont trop fréquentes entre les prêtres ; et en outre, l’évêque