Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 9.djvu/35

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n’ignorait pas que le curé du Port-au-Prince avait été renvoyé du couvent de la Trappe et déclaré apostat par le supérieur ; qu’en 1815, il fut excommunié par l’évêque de Baltimore ; et qu’enfin, en 1820, — il n’y avait pas encore une année, — le Saint-Siège avait prononcé son interdiction, — peut-être en apprenant qu’il desservait la cure du Port-au-Prince, au moment où M. de Glory recevait sa mission pour Haïti.

Toutefois, les choses se passèrent entre ce dernier et l’abbé Jérémie, sans que personne pût soupçonner ces précédens entre eux. Les honneurs furent rendus à l’évêque coiffé de sa mitre, ayant la crosse en main ; la foule des fidèles accourus s’agenouilla du quai à l’église, où le curé entonna un Te Deum pour saluer sa bienvenue. Le dimanche suivant, le prélat célébra une messe pontificale en présence de tous les fonctionnaires publics, qui eurent l’ordre d’y assister, et l’église était pleine de paroissiens de tout sexe et de tout âge. L’un des prêtres venus de France monta en chaire et discourut sur l’histoire de la colonisation des Européens en Amérique, particulièrement à Haïti, sur l’histoire de ses révolutions depuis 1789, liées à celles de la France, en évitant cependant de parler de l’expédition de 1802, et concluant enfin à exposer la nécessité d’un rapprochement entre les deux pays, par « l’oubli du passé[1]. »

Le lendemain de son arrivée, M. de Glory avait été présenter ses hommages au Président d’Haïti, qui ne tarda pas à lui rendre sa visite. Il était nécessairement porteur d’une bulle ou bref de la Cour de Rome, qui le nommait vicaire apostolique du Saint-Siège à Haïti ; mais nous ignorons complètement s’il remit également un bref du Pape adressé

  1. Suppléant de juge, j’étais assis dans le banc des magistrats, placé à côté de la chaire, et je pus bien entendre le discours de cet ecclésiastique.