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Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 9.djvu/349

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mandait dans ses instructions de 1824 ? Le Président lui-même dut faire ces réflexions[1].

Mais, de son côté, M. de Mackau n’en fit-il pas aussi, soit au moment où il écrivit sa lettre pour demander une audience au Président, soit après la réponse qui la fixait dans la soirée ? Il dut reconnaître qu’il était chargé d’une mission délicate, dont l’insuccès allait obliger son gouvernement à des actes qui lui répugnaient, qui auraient entraîné la France dans une guerre contre un pays où s’échangeaient ses produits depuis dix ans, avec grand avantage pour le commerce français[2] ; d’une mission dont le succès, au contraire, allait étendre ces fructueuses relations, en terminant un litige qui faisait souffrir les anciens colons depuis longtemps, indépendamment de cette considération : que ce succès, obtenu par lui, assurerait inévitablement son avancement dans la carrière qu’il parcourait.

En général, les hommes ne sont ni insensibles ni indifférens à un tel résultat, et il est juste qu’ils soient glorieux de réussir dans des cas semblables ; sans cette louable ambition qui doit toujours les animer, ils serviraient mal leur patrie.

M. de Mackau avait donc à mettre en jeu toutes les ressources de son esprit, pour obtenir l’acceptation de l’ordonnance. Par ouï-dire, il connaissait sans doute le caractère de Boyer ; par la correspondance du Président, publiée antérieurement, par ses actes relatifs à la question de l’in-

  1. Je suis convaincu que le gouvernement de la Restauration n’eût jamais voulu reconnaître l’indépendance d’Haïti par un traité ; mais ce ne fut pas moins une faute politique de la part de Boyer d’avoir réclamé une ordonnance pour la consacrer : mieux valait subir cette exigence de la situation, que de l’avoir provoquée soi-même.
  2. Je suis également convaincu, d’après les documens qu’il m’a été permis de lire au ministère de la marine, que le gouvernement de la Restauration n’eût pas voulu être dans l’obligation de faire la guerre à Haïti, même de bloquer ses ports. Voyez ce que j’en ai dit au chapitre Ier de ce volume.