Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 9.djvu/50

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telle reconnaissance serait peut-être funeste à la réunion et à la paix que vous venez d’établir avec tant de succès. S. M. a voulu donner une preuve de son désir sincère de la réconciliation, de sa bienveillance pour V, E., et en même temps de sa sollicitude pour un pays qu’elle regarde toujours comme français ; elle s’est décidée à consacrer l’indépendance de la République d’Haïti.

En prenant une telle résolution, S. M. s’est attendue à trouver dans V. E. et son gouvernement des dispositions analogues ; elle s’attend à voir reconnaître sa simple suzeraineté, ou à la France un droit de protection semblable à celui que l’Angleterre exerce à l’égard du gouvernement des Iles Ioniennes. Ce droit ne peut qu’être avantageux à la République, surtout dans les premiers temps ; et il est utile à son indépendance, en écartant toutes les prétentions que l’on pourrait élever sur elle ; d’un autre côté, il assure à la France la libre jouissance du commerce avec Haïti.

S. M. ne désire le commerce qu’aux conditions établies pour la puissance la plus favorisée[1] ; car, dans l’intérêt d’Haïti qui sera aussi celui de la France, après le traité, il importe qu’il ne soit pas fait de conditions qui puissent, par la suite, troubler l’ordre de la République.

Ces derniers motifs font tenir aux indemnités pour le territoire et les propriétés ; elles seront d’ailleurs promptement compensées par l’accroissement que prendront l’agriculture et le commerce.

Si telles sont, Monseigneur, les conditions auxquelles V. E. peut traiter et qu’elle daigne me les faire connaître, ou qu’elle veuille en instruire M. Esmangart, dans une réponse à sa lettre, je puis assurer V. E. que M. Esmangart, ou tout autre commissaire chargé de pouvoirs, se rendra promptement près d’elle pour traiter définitivement.

La franchise avec laquelle je viens de m’expliquer est un hommage que je rends à V. E. ; j’aurais cru lui manquer en agissant autrement.

Je suis avec un profond respect, etc.

Signé : Aubert.

  1. À cette époque, les produits de la Grande-Bretagne ne payaient que 7 pour cent, et ceux des antres nations 12 pour cent.