Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 9.djvu/79

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contre leurs oppresseurs dans celle même année, et plus d’un Haïtien éprouvait ce sentiment de sympathie. Mais le Président d’Haïti avait des devoirs à remplir envers son pays d’abord, avant de songer à secourir un peuple en insurrection, placé à plus de 2500 lieues : la raison d’État devait prépondérer sur l’enthousiasme. Etait-ce moins d’une année après la réunion du Nord, au moment où tout marchait vers celle de l’Est, qu’il aurait envoyé des troupes haïtiennes en Grèce pour combattre contre les Turcs ? Et où trouver la flotte qu’il eût fallu avoir pour les y transporter ? Et les dépenses qu’aurait occasionnées une telle expédition, si elle avait pu se faire ? Le Président aurait démuni les arsenaux du pays, pour envoyer aux Grecs les 30 mille fusils que demandaient ceux résidant à Paris, — le trésor public, des fonds recueillis dans le Nord après la mort de Christophe ?

Nous aurions vraiment tort de produire, à ce sujet, d’autres considérations politiques, afin de réfuter les paroles insensées qui ont été proférées ou écrites en forme de reproches contre Boyer, à propos de l’appel qui lui fut adressé par les quatre Grecs de Paris au nom de leur propre pays ; car il y a de ces idées qui se réfutent d’elles-mêmes. Pétion avait pu secourir les réfugiés de la Côte-Ferme, parce qu’il s’agissait surtout de faciliter l’émancipation, promise solennellement, de milliers d’hommes de notre race qui étaient courbés sous le joug de l’esclavage. Mais si Bolivar avait rempli sa promesse en proclamant leur liberté, n’étaient-ils pas restés esclaves ? Et que faisait le Libérateur dans cette même année, à l’égard de la généreuse République qui lui ouvrit ses arsenaux et ses trésors, où lui et ses nombreux compatriotes trouvèrent une si franche hospitalité ? Ne cédait-il pas aux exigences des Américains du