Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 3.djvu/252

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jamais autre chose, qu’un gouvernement militaire autocratique ? Et en ce moment là, dans le Nord et l’Artibonite, y avait-il autre chose sous Laveaux et T. Louverture même sous l’agence qui aurait dû être une autorité purement civile ? Cette autorité de Rigaud n’était-elle pas le résultat de la guerre existante ? Tandis qu’on venait d’augmenter celle de T. Louverture, en le nommant général de division, était-il juste d’affaiblir celle de Rigaud ? Toute la question était de savoir si réellement ce dernier employait la sienne à mal faire, à compromettre la cause de la France dans le Sud. Mais, sur ce point, on voulait bien croire et dire que lui et les hommes de couleur en général ne visaient qu’à l’indépendance de Saint-Domingue : partant de cette accusation injuste, on devait effectivement désirer d’amoindrir son importance militaire et politique. Faisait-on ainsi les affaires de la France avec intelligence ? La suite des temps nous l’apprendra.

Nous venons de voir comment Desfourneaux appréciait l’influence et l’autorité particulière de Lefranc et d’Augustin Rigaud, sur les noirs que dans son mépris pour la race tout entière il qualifiait de populace aveugle ; et ce sera cependant contre ces deux hommes qu’il viendra bientôt se heurter.


Pour mieux arriver à leurs fins, les délégués, après avoir pris une foule de mesures pour désorganiser partiellement l’autorité de Rigaud et de ses lieutenans, s’entendirent avec Desfourneaux afin de faire une marche générale contre les Anglais et les colons, retranchés dans des camps nombreux situés dans les montagnes entre les Gayes et Jérémie, en même temps que Rigaud se porterait à Tiburon, pour marcher contre la bourgade des Irois