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dévoué. Désormais, il était un homme usé par l’abus du pouvoir.

S’il est vrai, ainsi que l’affirme M. Madiou, qu’il quitta le Nord pour venir dans l’Ouest, et qu’on remarqua en lui « un abattement profond, de l’inquiétude, de l’agitation ; qu’il parut bourrelé de remords et de chagrin, » — c’est que le crime occasionne souvent de tels effets, même dans l’âme de l’homme le plus pervers. En vain le coupable cherche-t-il à cacher les reproches qu’il reçoit de sa conscience ; on les aperçoit sous le masque qu’il emprunte pour les dissimuler.

Néanmoins, nous avons lieu de douter que T. Louverture éprouva un vrai remords des excès qu’il venait de commettre, quand nous le voyons représenté ensuite comme s’entourant des hommes de couleur les plus marquans du Port-au-Prince, et leur adressant ces paroles :

« Je sais que j’ai été, après la chute de Rigaud, injuste envers les hommes de couleur, en violant l’amnistie du 1er messidor ; mais des blancs scélérats m’avaient conseillé d’agir ainsi envers eux. Je suis revenu de mes erreurs ; je vous jure de vous accorder toute ma confiance ; je ne verrai désormais dans les blancs que des monstres. Réunissez-vous à moi, afin que je les détruise ; faites savoir à vos frères ce que je vous dis ; exhortez-les à ne-pas m’abandonner… Je veux, dit-il ensuite à des officiers noirs qu’il voulait convaincre de la nécessité d’un massacre général contre les blancs, je veux que sous peu l’on ne puisse pas trouver à Saint-Domingue, même une parcelle de la chair de l’homme blanc, du Français surtout, pour s’en servir comme un remède si c’était prèsdit dans la maladie la plus grave…[1] »

  1. Histoire d’Haïti, t. 2, p. 123 et 125.