Page:Argens - Mémoires du marquis d’Argens.djvu/131

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remède à ses maux que dans la mort. Quoi ! vous voulez mourir, répondit Sylvie ! Ah ! comme votre amie, je m’oppose à une pareille envie. Non, non, vous prenez peu de part à ce qui me regarde, continuai-je ; le ciel m’est témoin que, quoique vos rigueurs soient la cause de ma mort, je n’en accuse que mon malheureux destin ; le seul regret que j’aie à la vie est de vous perdre pour toujours. Je ne pus retenir quelques larmes qui échappèrent de mes yeux ; elles firent leur effet : je vis Sylvie s’attendrir. Mais enfin, que prétendez-vous, me dit-elle, et qu’exigez-vous de moi ? Que vous m’aimiez, belle Sylvie, et que vous souffriez que je vous aime. « Que me demandez-vous, continua-t-elle ? Aimez-moi, si vous voulez, et si cet amour peut servir à votre bonheur ; mais n’exigez pas que je perde une liberté qui fait le bonheur de ma vie. Je ne sais, depuis que je vous connais, je ne suis plus aussi tranquille ; j’aime bien à vous voir ; cependant ce serait peut-être un bonheur pour moi de ne vous avoir jamais parlé. » L’air embarrassé avec lequel Sylvie me tenait ce discours me charmait ; je sentais renaître dans mon cœur l’espérance et la joie : je pris plus de hardiesse dans la suite de cette