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plaisir à avoir dans ses troupes les plus grands et les plus beaux soldats de l’Europe, et d’immenses trésors dans ses caves.

« Frédéric Guillaume, dit[1] Voltaire, était un véritable vandale, qui, dans tout son règne, n’avait songé qu’à amasser de l’argent et à entretenir, à moins de frais qu’il le pouvait, les plus belles troupes de l’Europe. Jamais sujets ne furent plus pauvres que les siens, et jamais roi ne fut plus riche : la Turquie est une république en comparaison du despotisme qu’exerçait Frédéric-Guillaume. C’est par ce moyen qu’il parvint à entasser dans les caves de son palais plus de quatre-vingt millions, enfermés dans des tonneaux, garnis de cercles de fer.

Le monarque sortait à pied de son palais, vêtu d’un méchant habit de drap bleu à boutons de cuivre, qui lui venait à moitié des cuisses ; et quand il achetait un habit neuf, il faisait servir ses vieux boutons. C’est dans cet équipage que sa Majesté ; armée d’une grosse danne de sergent, faisait tous les jours la revue de son régiment de géans ; ce régiment était

  1. Mémoire pour servir à la Vie de Voltaire. in-8°, p. 6, etc.