Page:Argens - Mémoires du marquis d’Argens.djvu/22

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marquis joignait au ton de la bonne compagnie, un caractère facile et la vivacité provençale, qui rendaient sa conversation piquante ; ses ouvrages connus dans toute l’Europe et dont la lecture est agréable et instructive, étaient encore pour lui un titre de faveur auprès de Frédéric ; l’originalité et la bizarrerie de sa conduite particulière, dont nous rapporterons plus d’un trait, n’altérèrent point l’estime du roi pour lui, quoiqu’il en fit plus d’une fois l’objet de ses plaisanteries et de ses sarcasmes.

C’était sur-tout dans les soupers où Frédéric réunissait les gens de lettres qu’il avait attirés près de lui, que se passaient les scènes et se tenaient les propos gais et spirituels qui ont été, pendant trente ans l’objet de l’attention, et quelquefois de la satire du reste de l’Europe. Ils ne ressemblaient pas, à beaucoup près, aux orgies du régent en France ; il y avait plus d’esprit, un choix de conversation différente, et sur-tout la débauche et l’impiété en étaient bannies ; mais la liberté et la licence des discours y étaient poussées, comme aux soupers du duc d’Orléans, assez loin pour déplaire quelquefois au maître.

« Dans l’un de ces soupers, dit M.  Thiébault,