Page:Argens - Mémoires du marquis d’Argens.djvu/301

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Dans le plaidoyer qu’il fit, sa passion l’emporta. Au lieu de balancer les raisons, il plaida plutôt en partie qu’en avocat-général. Il portait des conclusions contre son sentiment, que ses collègues lui avaient données ; il les étrangla. Cependant, elles furent suivies, et la procédure fut confirmée.

Les deux partis se préparèrent alors plus que jamais. Il s’agissait du fond, et c’était la décision entière. Jusqu’ici, il n’y avait encore que les hommes qui eussent cabalé : les dames commencèrent à s’en mêler. Dès qu’elles eurent pris parti, elles entraînèrent avec elles leurs amans[1]. La médisance, la calomnie, le mensonge, la fourbe, tout fut mis en usage. Il ne s’agissait plus ni de la Cadière, ni du père Girard, mais de deux partis qui divisent l’état, et qui, tôt ou tard, y causeront des troubles, dangereux.

  1. Il n’est pas aisé de savoir si c’est manière de parler, ou si les femmes de ce temps-là avaient des amans, comme on a des amis, des parens ; mais, ce qu’il y a de certain, c’est que, dans le temps de corruption où nous vivons, l’on regarderait comme une exagération affectée et provinciale de placer ici des amans, comme si aucune femme n’était sans un pareil embarras à sa suite.