Page:Argens - Mémoires du marquis d’Argens.djvu/313

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d’un fort bel habit, qu’elle disait que son mari m’avait acheté ; j’ai pourtant su depuis que c’était un de ses vieux habits qu’elle avait fait raccommoder.

» Après m’être venu voir deux ou trois fois, elle feignit d’être malade, et envoya prier les religieuses de vouloir bien m’envoyer chez elle, pour lui tenir compagnie deux ou trois jours. J’allai la voir avec plaisir : je lui trouvai l’air fort gai. Eh quoi ! ma sœur, lui dis-je ; on disait que vous étiez malade ! C’est une excuse, me dit-elle que j’ai prise pour te mener passer deux jours à la campagne. Moi, qui la croyais bonnement je la remerciai. À l’entrée de la nuit, elle me mit dans une chaise avec son mari, et je fus bien étonnée lorsque j’appris deux jours après qu’elle me menait jusqu’à Lyon. J’étais si innocente, et je prévoyais si peu l’usage auquel elle me destinait, que je lui dis : Quand je retournerai, les religieuses me vont bien gronder.

» Dès que nous fûmes arrivés, elle reprit le nom de la d’Argenterie. Elle me menait tous les jours aux spectacles, parée superbement. J’étais montrée comme un bijou dont on veut se défaire. Un homme déjà âgé offrit cent louis ; mais ma sœur pensa le dévorer à cette