Aller au contenu

Page:Argens - Mémoires du marquis d’Argens.djvu/314

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

proposition. Il vit bien qu’il n’y avait rien à faire à si bon marché. Il en offrit deux cents : l’affaire fut terminée, et la chose ne fut renvoyée qu’au lendemain après dîné.

» Ma sœur me tint toute la matinée des discours où je n’entendais rien. Elle me disait qu’elle voulait me donner un secret d’avoir de l’argent et des robes tant que je voudrais, et qu’il ne fallait pour cela que suivre ses conseils. Elle me demanda ensuite si je n’avais jamais vu d’hommes nus. Ah ! mon Dieu, que dites-vous, ma sœur, lui répondis-je ! Voir un homme nu, c’est un grand péché. Bon, imbécile ! me dit-elle : les religieuses te faisaient accroire ces contes-là ; mais vois si toutes les jolies femmes n’ont pas d’amans : je veux t’en donner un. Non, je n’en veux point, lui dis-je.

» Pendant ces instructions, cet homme arriva. Ma sœur passa dans une autre chambre avec lui il compta les deux cents louis. Elle m’appela alors, et, me laissant seule avec lui, elle ferma la porte à clef. Je me mis à pleurer, et j’appelai inutilement. Cet homme voulut profiter du temps, et gagner ses deux cents louis. Il m’enleva de terre dans ses bras, et me jeta sur un lit. Je redoublai alors mes cris ; je le