Page:Argens - Mémoires du marquis d’Argens.djvu/39

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principes de stoïcisme. Quelque légère que puisse paraître cette résolution, et quelque singulière que soit la manière dont Frédéric se servit pour en faire part à un de ses courtisans, il n’en résulte pas moins que le marquis d’Argens avait une place distinguée dans l’estime du prince, parce que ce fut à lui qu’il s’adressa dans ce moment d’angoisse. Il lui disait :

Ami, le sort en est jeté ;
Las de plier dans l’infortune
Sous le joug de l’adversité,
J’accourcis le temps arrêté
Que la Nature, notre mère,
À mes jours remplis de misère,
A daigné prodiguer par libéralité.
D’un cœur assuré, d’un œil ferme,
Je m’approche de l’heureux terme
Qui va me garantir contre les coups du sort,
Sans timidité, sans effort.
Adieu grandeurs, adieu chimères,
De vos bleuettes passagères
Mes yeux ne sont plus éblouis.
Si votre faux éclat, dès ma naissante aurore,
Fit trop imprudemment éclore
Des désirs indiscrets, long-temps évanouis ;
Au sein de la philosophie,
École de la vérité
Zénon me détrompa de la frivolité
Qui produit les erreurs du songe de la vie.