Page:Argens - Mémoires du marquis d’Argens.djvu/67

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ne fut pas insensible à ce présent : il retourna chez lui plein d’impatience ; il lui tardait que la nuit fût passée pour aller voir ce joli cadeau. Le lendemain, dès le matin, il se lève malgré sa grande paresse, et se fait conduire à sa nouvelle maison. Il parcourt le jardin, examine les appartemens, trouve tout charmant et d’un bon goût. Il entre dans le salon qui était beau et garni de peintures. Mais quel fut son étonnement, lorsqu’au lieu de paysages et de marines, il vit dans cette galerie les scènes les plus plaisantes et les anecdotes les plus comiques de sa vie. Ici le marquis, en officier, se trouvait au siège de Philisbourg, et témoignait de la poltronnerie ; là, il était aux genoux de sa belle comédienne ; plus loin, son père le déshéritait. Un autre tableau le représentait à Constantinople ; dans un autre on voyait un chirurgien occupé à lui faire une opération que ses aventures galantes avaient rendue nécessaire ; ailleurs des religieuses, pendant la nuit, le tiraient dans une corbeille par la fenêtre de leur couvent ; dans tous ces tableaux le marquis reconnaissable était représenté dans des attitudes comiques.