Page:Argens - Mémoires du marquis d’Argens.djvu/74

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des semaines entières pour une semblable cause.

M. de Nicolaï nous fournit encore un autre exemple de sa risible susceptibilité et de son extravagance en fait semblable.

Pendant la guerre de sept ans, le roi lui avait permis de demeurer à Sans-Souci, et avait ordonné que tous les appartemens lui fussent ouverts comme si le palais lui eut appartenu. Dans ces entrefaites, Cothenius lut à l’académie un mémoire sur le danger des ustensiles de cuivre dans les cuisines : le marquis fut tellement frappé de ce mémoire qu’il craignait à chaque instant d’être empoisonné, ne parlait d’autre chose pendant tous ses repas, et fit promettre solennellement à sa femme de bannir toute espèce de cuivre de sa cuisine.

La famille du marquis, continue M. de Nicolaï, vivait à Sans-Souci assez retirée ; et sa femme, quoiqu’assez raisonnable, aimait l’amusement. Elle s’avisa un soir de donner un petit bal de famille dans la maison du premier jardinier du roi : le marquis y consentit ; mais comme on craignait que ses inquiétudes et ses singularités ne troublassent la fête, on eut soin de lui faire remarquer que l’air était fort froid, que le ciel était couvert ; on savait bien