Page:Argens - Mémoires du marquis d’Argens.djvu/75

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qu’une remarque comme celle-là suffisait pour lui faire croire qu’il était malade et pour l’engager à se mettre au lit. Il n’y manqua pas, et aussitôt on alla dans la maison du jardinier, comptant bien que le marquis serait promptement endormi. Il s’endormit en effet, mais bientôt il se réveilla, rêvant sans cesse de cuivre et de poison, et appela à grands cris la Pierre ; mais personne ne répondit ; tout le monde était allé au bal. Il s’en doutait et ne se fâcha point ; mais se voyant seul dans la maison, il en profita pour aller faire une visite, tout à son aise, dans la cuisine, et voir si tout le cuivre en avait été banni, comme on le lui avait promis. Il se lève sans culottes passe seulement une robe de chambre, allume une bougie à sa lampe, et va droit à la cuisine ; la première chose qu’il y aperçoit, ce sont des casseroles de cuivre, et, pour comble d’effroi, une dans laquelle était un reste de ragoût dont il avait mangé à son dîné[1]. Aussitôt la colère le transporte ; il prend la casserole et court, tel

  1. Sans prétendre justifier les extravagances du marquis d’Argens, il est certain que l’usage des casseroles de cuivre étamé, a été et est tous les jours la cause d’une source d’accidens, et qu’une multitude de maladies des entrailles en sont le résultat journalier.